Tic-tac, tic-tac… 2021 sera l'année charnière pour préparer la fin du programme Etapes et sortir la télésurveillance du cadre expérimental, comme le réclament industriels de santé, start-up et entreprises proposant des services de télésurveillance.
Les pouvoirs publics, le ministère des solidarités et de la santé en tête, ne souhaitent pas faire de vœu pieux et ils entament leur sprint final pour pérenniser le dispositif.
"Dans le cadre de la mesure 24 du Ségur de la santé, le ministre des solidarités et de la santé s'engage à travailler sur le modèle de droit commun de la télésurveillance. D'ici à la fin du programme Etapes, donc au 1er janvier 2022, nous allons travailler de sorte à proposer un modèle de prise en charge de la télésurveillance", affirmait la direction générale de l'offre de soins (DGOS) à TICpharma début décembre 2020.
Toutefois, la course s'annonce effrénée. Rappelons que si un modèle de droit commun de la télésurveillance doit émerger et entrer en vigueur en 2022, il devra figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2022... discutée et débattue à l'automne 2021, dans les mois précédant la campagne pour l'élection présidentielle de 2022.
En attendant, une première étape a été franchie et le programme Etapes, comptant plus de 85.000 patients télésurveillés, a élargi dans les dernières heures de 2020 les critères d'éligibilité des patients dans le diabète et l'insuffisance cardiaque.
Pour rappel, l’article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a reconduit le programme Etapes (expérimentations de télémédecine pour l'amélioration des parcours en santé) pour une durée de quatre ans (2018-2022). Ces expérimentations portent sur cinq pathologies: l'insuffisance cardiaque, l'insuffisance rénale, l'insuffisance respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables.
Un arrêté publié le 30 décembre au Journal officiel (JO) a abrogé le précédent texte sorti en octobre 2018 et a rendu publics de nouveaux cahiers des charges pour la télésurveillance des patients diabétiques et des patients souffrant d'insuffisance cardiaque.
Ils intègrent jusqu'à la fin du programme, soit début 2022, les dérogations qui avaient été décidées au début de la crise sanitaire liée au Covid-19 et qui devaient perdurer uniquement jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, comme l'a expliqué la DGOS à TICpharma en décembre.
Dans le diabète, le nouveau cahier des charges mentionne de nouvelles catégories de patients éligibles à un projet de télésurveillance pour une durée de 3 mois:
- diabétiques de type 1 âgés de plus de 12 ans et de moins de 18 ans présentant un taux d'hémoglobine glyquée (HbA1c) inférieur à 8,5% lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de 6 mois
- diabétiques de type 1 âgés de 18 ans ou plus présentant une HbA1c inférieure à 8% lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de 6 mois
- diabétiques de type 2 traités par schéma insulinique complexe, diagnostiqués depuis plus de 12 mois et âgés de 18 ans ou plus présentant une HbA1c inférieure à 9% lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de 6 mois
- diabétiques de type 2 diagnostiqués depuis plus de 12 mois âgés de 18 ans ou plus, lors de l’initiation d’insuline, et avec une HbA1c inférieure à 9% lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de 6 mois.
Le cahier des charges précise que les autres catégories de patients déjà éligibles dans les premières versions du texte le sont "pour une durée de 6 mois".
Dans la télésurveillance de l'insuffisance cardiaque, le nouveau texte a supprimé le critère d’hospitalisation dans l’année ou les 30 jours précédents pour l'inclusion des patients dans le dispositif. Les patients éligibles jusqu'à la fin du programme sont désormais ceux en classe NYHA 2 ou plus avec un taux de peptides natriurétiques élevé (BNP > 100 pg/ml ou NT pro BNP > 1.000 pg/ml).
Si le temps peut paraître court, la Haute autorité de santé (HAS) imagine, elle aussi, l'après-Etapes et dans un rapport diffusé le 30 décembre 2020, elle a formulé ses recommandations.
Notant l'effet accélérateur de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui "a provoqué une prise de conscience pour les professionnels de santé et les patients de l'utilité de la téléconsultation et aussi de la télésurveillance", la Haute autorité a souligné "la nécessité de passer du mode 'expérimentation' de la télésurveillance à la définition d'un cadre de prise en charge pérenne".
Le document publié fin décembre 2020 répond à une saisine du ministère des solidarités et de la santé qui visait à actualiser le précédent état des lieux réalisé par la HAS en 2013 sur l'efficience de la télémédecine, en limitant les recherches à la seule télésurveillance, "dans une optique d'aide à la décision publique".
La Haute autorité a mené une revue systématique de la littérature sur la période 2013-2020, caractérisée par une augmentation du nombre d'évaluations médico-économiques au niveau international. Un total de 61 études ont été sélectionnées, dont une seule est française (contre cinq études sur 53 lors de la précédente revue, en 2013).
Le document propose une analyse par spécialisés médicales dans quatre domaines: la cardiologie (22 études), la santé mentale (11 études), les maladies pulmonaires (12 études) et l'endocrinologie (5 études).
Si HAS a constaté de "nombreuses expérimentations" conduites en France, notamment dans le cadre du programme Etapes, elle a expliqué qu'un état des lieux des études françaises s'était heurté à plusieurs difficultés telles que l'identification des porteurs de projet ou des études qui sont toujours en cours.
Elle a recommandé de créer un observatoire des projets menés sur le territoire pour avoir plus de visibilité sur le nombre de patients concernés et la zone géographique, les solutions techniques utilisées, l'organisation de la télésurveillance, les évaluations conduites (cliniques, médico-économiques, évaluation des usages, de la satisfaction, étude de coût), "mais aussi tout autre étude dans le domaine de la sociologie des organisations, des sciences de gestion, des études de process et d'implémentation".
Dans ses conclusions, la HAS a également jugé que le suivi à distance des patients "peut être considéré comme un levier d'action permettant d'améliorer l'organisation des soins et de diminuer les dépenses de prise en charge".
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