Depuis l'annonce de son plan "Confiance et Croissance" en juillet, Visiomed affiche la couleur: son activité e-santé, BewellConnect va décoller.
Ambitieux? Pas pour le patron du groupe coté à la Bourse de Paris (où son action a perdu près de 85% de sa valeur depuis le début de l'année après avoir déjà cédé 55% en 2017), qui "sent que les choses commencent à évoluer favorablement". "Nous sommes toujours en phase d’investissements forts et, de façon très claire, quand nous avons lancé BewellConnect, nous savions que le chemin allait être assez long", a-t-il rassuré.
Lancé en 2014, l'activité BewellConnect a pu compter sur "d'importants investissements en R&D et en marketing". Face aux difficultés, le groupe a choisi de "faire évoluer son approche B2C vers une approche B2B, pour accompagner les professionnels de santé dans la transformation numérique du système de santé".
"Vis-à-vis du marché financier où nous sommes cotés depuis 2011, il fallait clarifier notre stratégie qui n’était plus lisible. Nous avons posé de nouvelles organisations avec deux branches d’activité aux profils distincts pour créer les conditions d’un développement dynamique au service de nos ambitions. Nous arrivons aujourd'hui au bout de nos développement majeurs et nous allons pouvoir créer des effets de levier forts qui vont concrétiser commercialement notre avance prise grâce à nos efforts en matière d’innovation", a expliqué Olivier Hua.
Dans le cadre du plan "Confiance et Croissance", BewellConnect va mettre l’accent dans un premier temps sur les parties de l’offre qui doivent permettre de générer du chiffre d’affaires à court terme:
- La digital therapy
Autour de deux électrostimulateurs connectés: MyTens (traitement de la douleur) et MyPeriTens (renforcement du plancher pelvien). La branche e-santé va se concentrer sur leur développement en France, où ces deux produits bénéficient d’un code de remboursement, et sur les Etats-Unis où une équipe dédiée a été mise en place à la fin du premier trimestre 2018.
- La téléconsultation augmentée
Avec VisioCheck, sa station de télémédecine mobile et connectée, Visiomed entend équiper les pharmacies d'officine en France et surfer sur la vague du remboursement des actes de télémédecine, entrée dans le droit commun le 15 septembre.
"Il y a aujourd’hui un effet d’aubaine. Tout le monde dit 'je fais de la télémédecine' mais ils ne sont pas nos concurrents, notre concurrence se situe là où il y a des innovations technologiques", s'est rassuré le PDG.
Par ailleurs, des discussions ont d’ores et déjà été entamées pour des marchés aussi larges que ceux des armées, du suivi à domicile de patients par des professionnels de santé et de l’équipement d’établissements de soins pour personnes âgées.
"Nous travaillons sur ce projet pour éviter d’envoyer les personnes âgées aux urgences. Outre le coût, cela provoque une dégradation des conditions de vie pour la personne âgée qui a déjà largement été démontrée", a indiqué Olivier Hua.
- Le suivi à distance des patients malades chroniques
L'offre "modulable" doit permettre de relier les patients avec leurs professionnels de santé dans le cadre du suivi de maladies chroniques et du suivi ambulatoire post intervention. Cette offre "a vocation à être déployée largement à l’international" avec une priorité donnée à 7 marchés: France, Etats-Unis, Brésil, Mexique, Pologne, Italie et Emirats Arabes Unis.
L'entreprise née en 2007 concentrait initialement ses efforts sur le développement de dispositifs médicaux non connectés, puis elle a "vu émerger la santé connectée en 2009-2010".
"Si le dispositif médical n'est pas connecté à des services, il n'a pas grande valeur. Dès le départ, nous avons décidé de prendre le parti de connecter l'ensemble de nos dispositifs médicaux à une seule et même plateforme et nous l’avons enrichie progressivement de services pour proposer une expérience encore plus utile", a précisé le dirigeant.
"L'objectif que nous avons poursuivi depuis l'origine est de devenir le premier acteur de référence de solutions permettant de réinventer la relation entre le patient et son soignant."
Olivier Hua entend d'abord redonner au pharmacien son rôle d'acteur de santé de proximité via sa station de téléconsultation VisioCheck: "A chaque fois que nous discutons avec des pharmaciens, ils me disent vouloir renforcer le lien avec leurs patients. Le pharmacien est certainement le professionnel de santé qui connaît le mieux le patient. C’est un tiers de confiance très fort et non pas un simple délivreur d’ordonnances."
Du côté de l'hôpital, le groupe mène aussi un projet de suivi à distance de patients transplantés rénaux avec le CHU de Nantes.
"Dans la première année suivant son opération, un transplanté rénal a besoin d’aller en moyenne 12 fois à l’hôpital. Le patient suivi à domicile n’y retourne que 7 à 8 fois. C’est un vrai progrès pour l’accompagnement médical des malades et leur confort de vie", s'est félicité Olivier Hua. "Nous annoncerons également prochainement des premiers travaux autour du suivi des maladies chroniques dans plusieurs de nos pays cibles ."
Autre carte maîtresse dans le jeu de Visiomed: l'assurance connectée, nouveau créneau du groupe pour développer ses activités d'e-santé. "Nous proposons notamment aux assureurs d'intégrer dans leurs contrats santé notre solution Bewell Check-Up pour permettre à leurs assurés d'éviter des consultations inutiles", a indiqué le dirigeant.
Bewell Chek-up est un service permettant à ses utilisateurs de bénéficier d'une aide au diagnostic à partir de ses informations renseignées dans l'application Mon assistant personnel de santé et de ses symptômes, croisées à un système expert d’intelligence artificielle. Pour l'heure, le groupe travaille avec le courtier français QAPE, l'assureur italien Cesare Pozzo et Europe Assistance Italie.
Ce rapprochement avec les assureurs traduit également une vision à long terme pour le patron de Visiomed qui scrute les évolutions du système de santé.
"En France, la santé est perçue comme étant gratuite, c'est un vrai frein au développement de nouvelles technologies qui ont un coût même si elles apportent de vrais potentiels d’économie à moyen terme. La question est de savoir qui va payer. L'assurance maladie est en train d’essayer de transférer une partie de ses coûts vers les mutuelles et assurances."
L’occasion pour Olivier Hua de déplorer la "résistance au changement qu’il faut surmonter pour développer des projets de e-santé".
Outre la question du financement de l'innovation, une autre s'invite régulièrement dans le débat et fait réagir le patron de Visiomed: la régulation.
"En France, nous avons tendance à attendre de la loi qu'elle dicte tout et cela peut potentiellement tuer l'innovation. A titre personnel, je ne suis pas favorable à une trop forte régulation."
Olivier Hua plaide ainsi pour un modèle se rapprochant de celui privilégié par la Food and Drug Administration américaine qui "a changé son mode de pré-approbation -qui était un frein- pour un mode de contrôle a posteriori très strict".
En attendant que les pouvoirs publics tranchent, le PDG de Visiomed, lui, continue à "labourer le terrain" avec ses solutions connectées et ne perd pas de vue son objectif: 20 millions d'euros pour BewellConnect en 2020.
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